Il y a un mai qui tient

Si j’avais manqué d’inspiration – ce qui pourra être un jour le cas à force de vous livrer chaque semaine quelques bons mots et heureuses pensées – j’aurais pu quitter avril et les fils pour composer autour de mai et de ce qui lui plaît.

Au demeurant, je n’ai pas pris le temps de regarder les dictons de chaque mois et pour tout vous dire, à part avril qui ne se découvre pas d’un fil et mai qui fait ce qui lui plaît, je n’ai aucune idée si juin suggère de faire tagada tsouin-tsouin ou novembre d’aller se pendre. Forte de cette inculture, je préfère donc composer sur un mai qui tienne. Ce qui m’est librement venu et m’a fait rire c’est qu’il n’y a pas de mai qui tienne.

Dans ce jeu de mots détourné, il me semble bien reconnaître là une réelle aversion que j’ai à l’encontre de ces phrases imposées aux enfants, ces dictons peu savants érigés en vérité qui viennent ponctuer notre éducation. « Il n’y a pas de mais qui tienne »… « Faut pas se mettre dans des états pareils »… « C’est le bon Dieu qui t’a puni »… « Bien fait pour toi »… « ça t’apprendra »… « Laisse-moi faire »… « Tu vas te brûler »… « Je vais te donner une bonne raison de pleurer »… mises bout à bout, ces expressions semblent avoir été dites par le père Fouettard, un personnage qui pourrait avoir été oublié par Zola dans les Rougon-Macquart.

Alors s’il n’y a pas de mais qui tienne, je décide qu’il y aura un mai qui tient. Abandonnons ainsi la conjonction de coordination, trop fébrile pour nous défendre et trop subtile pour laver notre prétendue culpabilité, pour retrouver un mai solide, franc, emplit de liberté, de joie et qui devant personne ne se justifiera. Car il y a un mai qui tient, celui qui annonce un vent de printemps, le bonheur de s’assoir à une terrasse, une heure volée à l’obscurité, les changements de garde-robes, les pelouses qui reprennent du poil de la bête qui vient y poser sa serviette, les films projetés en plein air et les ciels étoilés qu’on peut parfois apercevoir.

Que vive ainsi le mois de mai retrouvé, qui tient bon avec courage et détermination, que vive avec lui la volonté de croire que par le pouvoir d’un mot chacun peut recommencer sa vie, être né pour la connaître et pour enfin la nommer…la liberté.