Le temps qui passe

Mon père a eu quatre-vingts ans en décembre, ma mère quatre-vingt-un an l’été dernier. Le temps passe. Partout ou il passe, infatigable, inlassable, irrassasiable, impassible et pourtant indéfiniment équitable.

Chronos, ce Dieu qui dévorait ses enfants, évidemment, vous le savez, Chronos, titan, fils de Gaïa et d’Ouranos, qui avalait ses enfants comme une baleine est connue pour avaler sa proie dans sa bouche énorme…c’est terrible de manger ses propres enfants n’est-ce pas ? Mais la vie ne fait elle pas exactement la même chose…manger tous ceux qui marchent sur son chemin.

Alors je pourrais vous parler du temps qui passe bien sûr, de la façon dont il faut en profiter, de la tolérance et de la patience dont il faut faire preuve…mais à la place de cela, je voudrais vous rappeler que nos amis Grecs, sages devant l’éternel, distinguaient trois temps. Chronos, bien sûr, le temps lié au temps qui passe, aux secondes, aux minutes, heures, jours, années.

Mais à côté de ce temps quantitatif, il y avait aussi Aion, le temps cyclique, celui qui passe et revient, comme la respiration, les saisons, ou encore les phases de sommeil. Chronos, temps quantitatif, Aion, temps cyclique et le dernier des temps, Kairos, le temps ressenti. Le voilà, je vous gardais le meilleur pour la fin, Kairos, celui qui mesure le temps ressenti.

C’est quoi ça encore Duchesse ? Eh bien, c’est justement ce temps de l’oubli, celui qui vous fait dire « Mince, j’ai pas vu le temps passer »… celui qui disparaît au profit d’un plaisir intense et envahissant, celui qui s’efface face aux grands bonheurs de la vie, aux excitations intenses, celui qui laisse sa place aux palpitations du cœur, aux jambes molles, aux douceurs inattendues.

Alors parce que la vie en vaut la peine, oubliez les secondes de Chronos, laissez de côté les saisons qui reviendront d’Aion et concentrez-vous sur Kaïros qui vous fera oublier que le temps…passe…