Taper à côté de l’ouïe
Quand j’étais petite, j’écoutais déjà beaucoup de musique, je chantais en yaourt, en hommage à mon copain, Jean-Michel Apeuprès et sans gênance – quelle beauté ce nouveau substantif –, je chantais à tue-tête, parfois n’importe quoi.
Depuis que j’écris les Chroniques, je me sens moins seule, avec le goût de l’odeur par exemple, j’étais heureuse de savoir qu’il y avait d’autres gens qui comprenaient que la papaye avait le goût de l’odeur du vomi. Alors pour me rassurer encore, je vais tenter cette semaine de voir si vous aussi vous compreniez à l’envers quand vous étiez petit… je me lance.
Je détaille trois étapes cruciales dans le processus de maturation.
1/ D’abord il y a l’écoute et la compréhension fières des commencements. Dans les années 80 il y avait cette pub « Mangez la banane par les deux bouts » pour montrer que le fruit était bon par un bout et par un autre… et bien moi je comprenais « Mangez la banane ! Parlez debout ». Pas de commentaire. Il y avait aussi la pub « Hollywood chewing-gum » avec les jeunes qui descendaient la rivière en rafting, ils disaient « On en prend un, hollywood chewing gum » et bien là, moi je comprenais « un p’tit bout de chewing-gum »… C’est logique non, « on en prend un, un p’tit bout d’chewing-gum ». Pas de commentaire non plus. Et puis enfin, cette chanson, YMCA, où j’étais persuadée que le groupe clamait haut et fort le nom du chanteur « William Siyé ».
Alors il y a donc cette première étape, celle de la compréhension.
2/ Puis arrive celle de la découverte et de la drôlerie donc. Un soir, un jour, au détour d’un moment forcément inattendu, on comprend, souvent effaré, que cela fait des années qu’on ne comprend rien. On comprend que la banane se mange assis, que le chewing-gum se mange en entier et que William Siyé, à grand regret, n’existe pas.
3/ Vient alors enfin cette dernière étape, celle de la rectification, souvent anonyme et silencieuse. Ce moment de solitude où l’on a compris qu’on ne comprenait rien et où, intimement on rectifie pour soi bien sûr, mais aussi un peu pour le bien-être collectif…
Alors braves gens, si vous aussi vos ouïes sont passées à côté, n’hésitez pas à me raconter, je serai bien heureuse de constituer un petit groupe de copains…