Terre du milieu
Il y a peu de temps ma mère avait du mal à attacher ses chaussures alors je me suis baissée pour l’aider et le hasard a fait que j’ai refait ce geste le lendemain pour mon enfant qui lui ne savait pas encore comment nouer ses lacets.
A l’instar de Tolkien j’ai eu envie de partager avec vous ce sentiment que nous offre la vie pendant un temps d’être en terre du milieu. Prêtez attention alors, à ces moments bénis, occasions rêvées de pouvoir rendre tout ce qu’on a pu prendre.
Quand la lecture du parent devient hésitante car les lettres sont floues, quand la lecture de l’enfant est encore hésitante car les lettres sont inconnues, prêtons nos yeux encore bons pour lire et déchiffrer ; quand la marche du parent devient chancelante car les muscles s’érodent, quand la marche de l’enfant est encore chancelante car les pas ne sont pas assurés, prêtons notre main pour soutenir et accompagner ; quand la mémoire du parent peut devenir fuyante car le temps et les années passent doucement, quand la mémoire de l’enfant est encore fuyante car l’apprentissage est en cours, prêtons notre capacité à trouver les mots et proposer les formules ;
quand l’angoisse du parent se laisse ressentir face aux années qui filent, quand l’angoisse de l’enfant se manifeste face à l’absence, prêtons notre confiance et garantissons une certaine sécurité.
Quand la vieillesse demande ce que la jeunesse exige, soyons présents, comme parent, comme enfant. Cette position duale, éphémère pour sûr est un cadeau qui nous est donné de pouvoir ressentir un amour transversal, celui de pouvoir aimer et protéger à son tour.
Être en terre du milieu c’est cela, devenir adulte c’est probablement cela aussi, aimer son enfant comme son parent, accepter de ressentir toute la tendresse présente et se dire enfin qu’il est temps de rendre tout ce qu’on a pu prendre.