Les micro-pousses d’Audrey et de Xinhui

Face à face entre l'artisan et son produit...


En 2016, ce couple d’autodidactes crée Hydropousse, la première ferme verticale en intérieur de Paris. Visite.


Photos : Philippe Vaurès Santamaria
 
Les Grands Voisins. Tel est le nom donné à l’espace pluriel aménagé dans les locaux de l’ex-hôpital Saint-Vincent-de-Paul. À deux pas de Denfert-Rochereau, sur des milliers de m2, fourmillent un accueil de jour de demandeurs d’asile, des associations, des artisans, de jeunes entreprises…

Parmi elles, Hydropousse, installée dès l’année de sa création, en 2016, dans un ancien bloc opératoire du site. Son alimentation électrique sûre et sa ventilation filtrée se prêtent alors particulièrement bien à la culture en intérieur. En tout cas, mieux que les 30 m2 du salon de Montreuil du couple de fondateurs, transformé en deux coups de cuillère à pot en ferme urbaine. L’engouement suscité chez les chefs parisiens fait le reste. « Il en a suffi d’un, puis très vite une dizaine a suivi, jusqu’à cent désormais ! » Aujourd’hui, Audrey Bonneil et son compagnon, Xinhui Xu, veillent sur un sous-sol de 160 m2, où poussent basilic citron, oxalys, persil plat, tagète, coriandre… Pas de fenêtre.


Des étagères métalliques en majesté. Tout un écosystème technique garantissant un éclairage artificiel de 16 heures par jour, une température constante de 25°C, un taux d’humidité avoisinant les 70%, un arrosage en circuit fermé, une ventilation adaptée afin d’apporter le CO2 nécessaire à la photosynthèse... « Les conditions idéales », selon Xinhui. Cette conviction, le développeur informatique qui l’était l’a acquise sur Internet. Son guide à l’heure de s’auto-former, en particulier auprès de sites hollandais, « particulièrement en pointe dans ce domaine ». Mais l’environnement ne fait pas tout. « Derrière la technique, il y a l’usage qu’on en fait. » Eux ont pris le parti de produire bon. Pour la planète comme pour leurs clients.

À la fibre de coco, nos deux entrepreneurs préfèrent celle de laines recyclées, au meilleur bilan carbone. Pour les mêmes raisons, ils s’interdisent de démarcher des chefs en dehors de Paris et de sa proche banlieue. Et bien sûr, aucun pesticide ni autres traitements de synthèse ne sont administrés. Côté goût, ils favorisent une croissance douce, permettant de mieux respecter le cycle des micro-pousses, de leur germination en quelques jours à leur développement au-delà des cotylédons. « Ces premières feuilles n’ont pas toutes les qualités organoleptiques des suivantes. Patience donc. » Et pas que. Au cas par cas, Xinhui stimule certains végétaux. Ici, en les exposant à plus de lumière, de façon à ce qu’ils produisent une huile essentielle de défense qui renforce leurs saveurs.

Là, en les ventilant pour raffermir leur tige et offrir plus de résistance en bouche. Résultats ? Coupées au stade de maturité et à la taille demandés, les micro-pousses sont livrées chez les chefs dès le lendemain de leur récolte. « Contre 4 à 5 jours pour celles achetées en Hollande. » Elles jouissent de fait d’une bien meilleure longévité. « Durant près de 7 jours, nos végétaux continuent d’offrir une belle intensité en bouche. » Soit, une seule commande par semaine, pas de tri ni de lavage avant chaque utilisation, et des goûts au sommet. De quoi ravir les sceptiques de la culture indoor…